“Le monde est une scène où les hommes et les femmes sont tous des joueurs” écrivait Shakespeare, capturant l’essence de la condition humaine dans une métaphore théâtrale. Quatre siècles se sont écoulés depuis, et cette phrase trouve une résonance inédite à l'ère du numérique. La gamification tente de transformer notre "scène" quotidienne en un environnement plus immersif que jamais. Si Shakespeare était en vie aujourd'hui, il pourrait même suggérer que la gamification fait de nous non seulement des acteurs mais aussi des joueurs engagés dans un monde de plus en plus interactif.
Au cœur de notre société il existe deux approches de conception distinctes : la conception axée sur la fonction et la conception axée sur l'humain. La première, couramment utilisée dans les systèmes industriels et utilitaires, privilégie l'efficacité et la rapidité d'exécution. Ces systèmes sont souvent calibrés pour un rendement maximal, dans une optique où les utilisateurs, à l'image des employés d'une usine, remplissent des fonctions spécifiques pour lesquelles ils sont présumément dédiés. À l'opposé de ce spectre, nous trouvons la conception centrée sur l'utilisateur, ou centrée sur l'humain, qui privilégie le bien-être émotionnel et psychologique des personnes interagissant avec le système. Cette approche prend en compte les sentiments, les motivations et les niveaux d'engagement de l'utilisateur, cherchant à enrichir l'expérience globale. La gamification est un exemple manifeste de cette conception centrée sur l'humain.
Malgré l'essor de la gamification, le concept reste enveloppé d'un mélange d'enthousiasme, de scepticisme et, surtout, d'incertitude académique et professionnelle. Cette ambiguïté est exacerbée par la pluralité des approches dans la mise en œuvre de la gamification. Certains la voient comme une méthode permettant d’augmenter l'engagement utilisateur en utilisant des éléments de jeu, tandis que d'autres la considèrent, sous un angle plus psychologique, comme un moyen de susciter la motivation intrinsèque. Un bon design de gamification est un sujet complexe. Nous ne résumons pas ce concept à l’ajout d’éléments tels que les points, les badges ou encore les classements (acronyme PBL : points, badges, leaderboards). Au contraire, le terme a été créé avec une vision claire : qu’il n’y ait plus de différence entre ce que nous avons à faire et ce que nous voulons faire.
Alors voici ma définition préférée : “l'art de prendre les parties les plus engageantes et motivantes de la vie afin de les intégrer dans des tâches qui pourraient ne pas être considérées comme intéressantes ou amusantes.” Son applicabilité à des contextes si variés en fait un sujet de recherche multidimensionnel. La polyvalence de la gamification, son influence croissante dans des domaines divers et son impact potentiel sur des millions de vies en justifient une exploration approfondie pour démêler les complexités qui l'entourent.
La gamification est un concept bien plus complexe qu’il n’y paraît. Sa mise en place demande d’être au préalable bien réfléchie. Tout d’abord, il est nécessaire de trouver une forme d’équilibre entre le côté ludique, parfois amusant, et le ton du sujet. La gamification dans le monde professionnel n'opère pas de la même manière que celle dédiée à des groupes d’amis. L’amélioration de la productivité se stimule d’une manière différente de l’apprentissage d’une nouvelle langue. L’ensemble des situations ainsi que l’ensemble des utilisateurs doivent être étudiés pour répondre aux besoins spécifiques du tableau. L’adaptation est donc un facteur indispensable pour que les utilisateurs exploitent le système de manière efficiente et, surtout, de façon volontaire. L’autonomie est l’un des facteurs démontrant que la gamification est efficace. Les différentes actions que les utilisateurs font doivent être volontaires. L’idée de la gamification n’est pas de “forcer” des individus à effectuer certaines actions ou bouleverser leur comportement. Bien au contraire, elle invite les utilisateurs à maîtriser leur expérience et à ressentir du plaisir en ajoutant des éléments subtils tels qu’une interface plaisante par exemple.. De surcroît, plus l'atmosphère sera travaillée pour plaire à la cible plus le contenu sera personnalisé et donc plus les utilisateurs se sentiront privilégiés et donneront un sentiment d’engagement très particulier envers le dispositif gamifié. Dans le même esprit, une bonne gamification est toujours dotée d’une facilité d’utilisation hors norme. Le mot “ludique” aspire aussi en quelque sorte à ressembler au mot “confort”. Les utilisateurs ne doivent jamais être dépassés ou confus lors de l’utilisation du concept gamifié. De plus, il est essentiel de connaître les objectifs que nous souhaitons mettre en place à chaque étape de la conception gamifiée. Ces derniers doivent être en lien avec les objectifs de nos utilisateurs.